CO₂ dans les chais : un enjeu majeur de prévention

Sécurité
Oenologie
Le risque lié au dioxyde de carbone dans les chais de vinification est bien connu de la profession mais il est pourtant loin d'être maîtrisé. La stratégie de prévention généralement axée sur l'aération naturelle, aléatoire et incontrôlable, est insuffisante. Les accidents mortels se répètent tous les ans, on en dénombre encore 5 en France l'année passée. Face à l'un des risques professionnels les plus meurtriers du secteur, plusieurs mesures de prévention peuvent être mises en oeuvre.

Le CO₂ : un risque invisible

Lors de la vinification, la fermentation alcoolique génère naturellement de gros volumes de gaz carbonique : 45L de CO2 par litre de mout !  Ce gaz, plus lourd que l'air, se dirige naturellement vers les points bas.  Très stable, le CO2 peut rester de long mois dans des zones à faible renouvellement d'air. Si le risque est maximal en période fermentaire, il ne disparaît pas pour autant le reste de l'année. Les opérations de nettoyage, de décuvage ou les simples inspections de cuves peuvent exposer les travailleurs.
L'intoxication aigue est souvent le résultat d'un double phénomène : 
  • Le CO2 est toxique pour notre organisme ;
  • L'augmentation du taux de CO2 fait diminuer le taux d'O2 dans l'air, exposant les personnes à une asphyxie par manque d'oxygène.

A plus faible concentration, de nombreuses études internationales font référence à des effets comme des maux de tête, de la fatigue, de la somnolence et des pertes d'attention lorsque la concentration dépasse 1000 ppm ou 1% (réf fiche toxicologique de l'INRS n°238). 
Le CO₂ tue sans avertir car il est imperceptible, ne dégageant ni odeur, ni fumée. D'où l'absolue nécessité de s'équiper et d'organiser le travail autour de ce risque invisible.
toxicité

Prévenir efficacement : une stratégie en six axes

prévention CO2

1. Capter le CO₂ à la source

D'après les principes généraux de prévention, le captage du CO2 au plus près de son point d'émission constitue la première mesure à investiguer. Dans les chais, cela implique d'équiper les cuves de dispositifs de captage passif, c'est-à-dire d'un réseau de canalisations qui évacue naturellement le gaz depuis l'intérieur des cuves, source de production, vers l'extérieur des bâtiments.  Le CO2 circule dans le réseau, par surpression, au fur et à mesure de sa production, sans système d'aspiration mécanique. 
 
Le CO2 fermentaire peut être relâché dans l'air à l'extérieur ou revalorisé (possibilité de le stocker sous pression ou de le réutiliser directement dans une autre cuve pour l'inertage par exemple). 
captation CO2

2. Ventiler mécaniquement les locaux et les cuves

Seule une ventilation mécanique adaptée peut assurer un renouvellement d'air efficace dans tout l'espace et offre une efficacité optimale et constante.
Même dans un local muni de larges portes, l'aération naturelle ne suffit pas car elle est dépendante des conditions climatiques, elle est imprévisible, non maîtrisable, et souvent impossible la nuit en raison du risque d'intrusion. Le chai doit être pourvu d'un système mécanique d'aspiration d'air neuf et d'extraction d'air pollué, suffisamment dimensionné, les sorties d'air devant être compensées par des entrées d'air équivalentes en volume. 

La ventilation mécanique à l'intérieur des cuves doit être effectuée afin que l'air ne présente aucun risque pour les travailleurs. Bien avant de pénétrer dans une cuve et durant toute l'intervention, il est indispensable de renouveler l'air.  Deux solutions techniques peuvent être appliquées : l'extraction du CO2 vers l'extérieur par aspiration, avec un extracteur centrifuge par exemple, ou l'envoie d'air neuf dans la cuve, refoulant ainsi l'air pollué, avec un ventilateur hélicoïdal par exemple. 
extracteur mural
Extracteur mural
Ventilateur hélicoïdal
Ventilateur hélicoïdal
Ventilateur centrifuge
Ventilateur centrifuge

3. Détecter pour réagir à temps

L'installation de détecteurs fixes de CO₂ permet de : 
  • Détecter en continu le taux de CO2 dans l'air ;
  • Activer automatiquement la ventilation, lorsqu'elle est reliée à la détection, dès que le taux de CO2 dépasse le seuil naturellement présent dans l'air (0.03%), afin que la ventilation ne fonctionne que lorsque cela s'avère nécessaire ;
  • Déclencher une alarme visuelle et sonore lors du dépassement du seuil de sécurité. 

Ces détecteurs doivent être positionnés en nombre suffisant dans les endroits où le CO2 est le plus susceptible de s'accumuler. Ces dispositifs doivent être complétés par des détecteurs portables, portés individuellement par les collaborateurs, dans le bâtiment et dans les cuves. 
Les valeur limites d'exposition professionnelles ou VLEP

La VLEP 8H est la valeur à ne pas dépasser pour un travailleur durant une journée de travail de 8 heures. Cette valeur sert à protéger les travailleurs des effets d'une exposition prolongée à moyen et à long terme. Pour le CO2, elle est fixée réglementairement en France à 5 000 ppm, soit 0,5%.

La VLEP à Court terme (VLEP CT) désigne la concentration maximale à laquelle les travailleurs peuvent être exposés pendant une courte période de 15 minutes. Cette valeur sert à protéger les opérateurs des effets à court terme. Aucune valeur réglementaire VLEP CT n'a été fixée au niveau national ou européen pour le CO2.Toutefois, historiquement, on utilise dans le milieu viticole une valeur issue de la normalisation américaine et fixée à 30 000 ppm, soit 3 %.

Lors de l'achat de ces détecteurs, qu'ils soient fixes ou portables, une attention particulière doit être portée sur leurs caractéristiques techniques. Seuls les détecteurs utilisant la technologie infrarouge possèdent un temps de réponse suffisant. Elément très important lors du choix, la gamme de mesure doit s'étendre de 0 à 40 000 ppm ou plus (soit de 0 à 4% et plus). Certains appareils, souvent moins onéreux, ne sont pas adaptés aux milieux professionnels des chais de vinification car ils saturent à 0,5 ou 1%.                                                                        
Rappelons enfin que le test à la bougie ou au briquet n'est absolument pas fiable puisque la flamme continue de brûler avec un taux de CO2 déjà mortel pour l'homme.
détection fixe
Détection fixe 
détection mobile
Détection mobile
Bougie à proscrire !

Bougie à proscrire ! 

4. Organiser le travail

Dans les locaux à pollution spécifique comme le chai, et dans les espaces confinés comme les cuves, des procédures de travail doivent être formalisées par écrit. Elles définissent précisément l'organisation du travail, l'ordre des tâches, le nombre d'opérateurs (travail isolé à proscrire), le matériel à utiliser, les temps de ventilation nécessaires, les vérifications des taux de CO2 à effectuer, etc.
Ces procédures devront être réalistes, adaptées à l'exploitation, compatibles avec les objectifs de travail et portées à la connaissance de tous les intervenants. Pour rendre les collaborateurs acteurs de leur santé et de leur sécurité, et pour favoriser l'application des protocoles, il est recommandé de les construire avec eux.

5. Préparer les secours

En règle générale, il revient à l'employeur de définir des consignes d'intervention en cas d'accident du travail. L'accidentologie du CO2 nous montre qu'1 victime sur 3 portait secours ! 

Prévoir l'organisation des secours répond à un double enjeu : éviter le suraccident et secourir le plus efficacement possible la victime. Il convient de : 
  • Définir les modalités d'alerte, en veillant à mettre en place des moyens de communication disponibles et opérationnels et de donner les consignes claires sur les numéros d'appel ;
  • Disposer de moyens pour un premier niveau d'intervention : présence de sauveteurs secouriste du travail, utilisation de matériels d'intervention adaptés et entretenus (auto-sauveteur pour se soustraire soi-même d'une atmosphère dangereuse par exemple), formation des salariés, réalisation régulière d'exercices pratiques d'entraînement ;
  • Permettre une intervention efficace des secours : réactivité, accessibilité à la zone d'accident, etc.

Les procédures de secours doivent être établies, connues de tous et régulièrement testées. En cas d'accident, chaque minute compte. Prévoir et s'entraîner à intervenir favorise la réactivité et la mise en oeuvre de conduites efficaces.

6. Former, informer, sensibiliser

Chaque personne amenée à travailler dans un chai doit être formée aux risques du CO₂ : connaître sa toxicité, savoir utiliser le matériel (comme un détecteur), identifier les signes d'alerte, connaître les procédures de travail spécifiques à l'exploitation, connaître les procédures en cas d'accident, etc. La formation doit être adaptée à la réalité du terrain, évolutive et actualisée.

Contact : 
Pôle Prévention des Risques Professionnels (P.R.P.) de la MSA Gironde : 
05 56 01 97 71 ou 05 56 01 97 52
prp.blf@msa33.msa.fr
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